Dès l’entrée en matière, Michaël Hugon donnait le ton: «Déjà en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que certains de ses ministres lui proposaient de couper dans les budgets culturels, Winston Churchill rétorquait que si l’on sacrifiait la culture, alors pour quoi nous battions-nous ? La culture, ce n’est pas une dépense accessoire, c’est ce qui justifie nos efforts, ce qui nous unit et ce qui nous élève.»
Avouez que cette dernière phrase pourrait très bien sortir de la bouche de notre conseiller d’État socialiste, Mathias Reynard. Et pourtant, non. Elle est de Winston Churchill, un homme d’État conservateur, à droite de l’échiquier politique, qui avait compris que la culture n’est pas un luxe, mais un fondement.
Michaël Hugon, quelle a été la ligne directrice du PLR tout au long de ce débat ?
Nous voulions une loi moderne, mais claire, légère et cohérente. Une loi qui soutient la culture dans toutes ses formes sans enfermer les projets dans des critères idéologiques ou administratifs. La culture ne doit pas être pilotée par des formulaires, mais par l’élan créatif, la diversité et la liberté. Cela a guidé tous nos amendements.
Vous avez déposé une série d’amendements pour supprimer les critères de durabilité. N’est-ce pas aller à contre-courant des préoccupations actuelles ?
C’est une fausse opposition. Nous sommes favorables à la durabilité comme principe général, mais ce n’est pas une raison pour l’imposer dans une loi culturelle. La question est simple: est-ce qu’un choeur, une fanfare ou une compagnie de théâtre doit produire une évaluation environnementale pour obtenir un soutien ? Non. Ce genre de critère, flou et bureaucratique, peut décourager des projets, pas les encourager. Ce n’est pas là que la durabilité se joue.
Certains de vos amendements visaient aussi à éviter un cloisonnement des milieux culturels. Expliquez- nous.
Oui, nous avons défendu l’idée que la culture est transversale. Elle ne doit pas être figée dans des catégories préétablies, comme «tel domaine» ou «tel secteur». Il faut que la loi reste ouverte à l’innovation, aux formes hybrides, à des projets inattendus. C’est le meilleur moyen d’encourager la créativité. Une loi trop rigide risque de figer les pratiques.
La question de l’autonomie des communes a aussi été centrale dans votre prise de position. Pourquoi tant d’insistance sur ce point ?
Parce que les communes sont déjà des piliers de la vie culturelle. Elles financent, elles organisent, elles accueillent. Leur imposer une obligation financière supplémentaire, c’est méconnaître leur engagement. Nous aurions préféré un mécanisme d’incitation ou de partenariat, mais pas une ponction obligatoire. Le PLR reste profondément attaché à l’autonomie communale.
Vous avez aussi insisté sur le rôle de tous les professionnels de la culture, pas seulement les artistes.Pourquoi ce rappel ?
Parce que la culture, ce n’est pas que ce qu’on voit sur scène ou dans une galerie. C’est aussi ce qui se passe en coulisses: les techniciens, les régisseurs, les médiateurs, les diffuseurs. Il faut les inclure dans le soutien public. C’est une question de cohérence, mais aussi de justice. Une oeuvre n’existe pas sans ceux qui la rendent possible.
En tant qu’ancien municipal à Martigny, vous connaissez bien le terrain. Cela a-t-il influencé votre approche ?
Énormément. J’ai vu à quel point une politique culturelle locale peut être efficace, proche des gens, réactive. Mais j’ai aussi vu les contraintes administratives qui freinent parfois les initiatives. C’est pour cela que je me bats aujourd’hui pour une culture libre, vivante, décentralisée. Et c’est pour cela que je tenais à ce que la loi ne vienne pas ajouter des couches inutiles.
Une partie du Grand Conseil a envisagé d’adopter la loi en une seule lecture, sans succès. Pourquoi le PLR s’y est-il opposé ?
Parce que cela aurait été une entorse au fonctionnement normal du parlement. Le règlement du Grand Conseil prévoit l’adoption des lois en deux lectures, sauf cas très exceptionnels. Ici, nous avions un texte complexe, long, et surtout plus de 100 amendements débattus en plénum. Il est donc logique, et même indispensable, de procéder à une deuxième lecture. Elle permettra de revoir le projet dans sa globalité, de valider ce qui a été voté, de corriger certaines incohérences si nécessaire, et surtout de garantir un cadre juridique solide. C’est une question de sérieux législatif.